« Toutes ces islamo-gauchistes sont en train de détruire la France ! »
« La gauche, c’est le parti de l’immigration et de l’islam ! »
Tel est le genre d’invectives que l’on peut régulièrement lire sur les réseaux sociaux. Il est vrai qu’une grande partie de la gauche s’est noyée dans les affres de l’intersectionnalité et de la déconstruction identitaire. En conséquence, beaucoup de Français sont convaincus que la gauche et son obsession de défendre tous les damnés de la Terre serait la principale responsable du délitement de la Nation que nous connaissons aujourd’hui. Néanmoins, une plongée dans l’histoire de l’immigration française nous rappelle que les choses ne sont pas si simples.
Car parler d’un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaitre, c’est ouvrir une fenêtre sur ce qui semble être une dimension parallèle, une réalité alternative où la droite était favorable à l’immigration et la gauche en était critique.
Une analyse historique démontre, en effet, que c’est bien la droite, et plus précisément la droite libérale — qui sous l’influence du patronat — est à l’origine de la plus grande transformation ethnoculturelle que la France ait jamais connu. Eh oui, la présence massive et souvent chaotique de l’islam en terre de France n’est point le produit de la gauche qui rappelons le, n’est arrivé au pouvoir qu’en 1981, mais bien celui de la droite. En effet, les grandes vagues migratoires non-européennes qui débutent à la fin des années 1960, prennent leur vitesse de croisière dans les années 1970, c’est-à-dire au moment même où la France est dirigée par des gouvernements de droite.
La droite est par nature proche des intérêts commerciaux et financiers, or ces derniers ont toujours soutenu une politique d’ouverture des frontières et la libre circulation des travailleurs qu’elle induit. La collusion entre droite libérale et milieux d’affaires est telle que, dans les années 1960, le gouvernement dirigé par Georges Pompidou, alla jusqu’à mettre en place ses propres réseaux d’immigration clandestine.
Entre 1962 et 1981, la France verra défiler six premiers ministres — Georges Pompidou, Maurice Couve de Murville, Jacques Chaban-Delmas, Pierre Messmer, Jacques Chirac, et enfin Raymond Barre — tous issus de l’Union pour la défense de la République (UDR). Ces chefs de gouvernement sont partisans d’une ligne économique libérale et très proches des milieux d’affaires qui sont eux-mêmes friands de la main d’œuvre immigrée qu’elle soit européenne ou non.
Les étrangers sont des gens qui ont beaucoup de qualité et ils ont une qualité fondamentale pour moi employeur, c’est que s’ils viennent chez nous, c’est pour travailler, et à la base ce sont des gens très courageux […] Malheureusement, ils viennent avec une idée en tête, c’est d’amasser un pécule et de nous quitter […] Ce n’est pas une main d’œuvre stable. Francis Bouygues 1969
Face à ce problème fort fâcheux, notre cher Francis exerça un lobbying intensif pour soutenir auprès du gouvernement Chirac (le même qui quelques années plus tard parla de bruit et d’odeur) le décret sur le regroupement familial qui fut instauré en 1976. La fin des 30 glorieuses ne changera rien à la donne, les grands patrons français continueront à soutenir mordicus le recours massif à l’immigration non-européenne. Encore aujourd’hui, le patronat reste très immigrationniste. En 2015, alors qu’une crise migratoire frappe de plein fouet l’Europe, Pierre Gattaz, alors président du MEDEF, décide de prendre la plume pour signer une tribune dans le journal Le Monde. Selon lui, « l'accueil décent des migrants est un impératif moral, mais c'est également une occasion économique à saisir ».
Si la droite a souvent durci le ton vis-à-vis de l’immigration, elle n’a jamais pris de mesures à même de menacer les intérêts des grands groupes. Et pour cause, ça risquerait de mettre la mauvaise ambiance dans les diners de famille de la France du capital.
Pourquoi l’Afrique ?
Alors que la France avait eu recours historiquement à une immigration européenne dont les descendants se sont parfaitement assimilés, elle a changé subitement de fusil d’épaule dans les années 1960, ouvrant ses portes à l’immigration africaine. On est en droit de se poser la question, qu’est-ce qui explique ce revirement ?
La réponse semble à première vue évidente. Du fait de meilleures conditions de vie dans leur pays, les travailleurs européens, notamment espagnols et portugais, ne souhaitaient plus venir travailler en France. Sauf que dans les années 1970, le niveau de vie de la péninsule ibérique restait alors bien inférieur à celui en vigueur dans l’hexagone. Rappelons également qu’à la même époque, les économies du Portugal et de l’Espagne se trouvaient en grande difficulté au moment même où la très nombreuse génération du baby-boom arrivait sur un marché du travail anémique. En réalité, les jeunes portugais et espagnols étaient plus que jamais des candidats à l’émigration en France. Qui plus est, rien n’empêchait les gouvernements français de faire venir ses immigrés de la très catholique Amérique du Sud, par exemple, l’Argentine, terre natale de……..Che Guevara…..ah oui, problème….
Une autre explication tiendrait au fait que les immigrés africains seraient proches culturellement de la France du fait des liens historiques existant entre l’hexagone et ses anciennes colonies. Sauf que, pour la plupart originaires des zones rurales et maitrisant mal la langue française, les immigrés africains étaient déconnectés de la culture française, beaucoup plus que ne l’étaient les Portugais ou les Espagnols dont les langues appartiennent à la même famille linguistique que le français.
La classe dirigeante vivait dans la peur de la menace rouge
Pour comprendre la volonté du patronat de faire appel aux immigrés africains faiblement qualifiés, il faut se replacer dans le contexte géopolitique de l’époque. En 1969, la France amorce un changement de paradigme. Le retrait de la vie politique du général De Gaulle sonne le début de la mutation de la droite française. Débarrassés de l’ombre pesante de l’homme de l’appel de Londres, les ténors de droite et le grand patronat peuvent librement donner cours à leur envie d’Amérique. Fasciné par le modèle économique et social du nouvel empire et rejetant fermement la notion de justice sociale, ils entendent rendre compatible la France avec l'hégémonie du marché mondialisé.
Pompidou puis Giscard mènent un projet de modernisation de la nation française basé sur le modèle américain, une modernisation qui suppose une mise au pas d’un mouvement ouvrier alors très actif. En mai 1968, la France compte près de 9 millions de grévistes, le pays s’en trouve paralysé. En réponse le gouvernement se verra obligé de procéder à une augmentation de 35 % du salaire minimum et de 10 % des salaires en moyenne ; le patronat est livide.
Qui plus est, les années 1970 se caractérisent par un Occident vacillant, les États-Unis ont perdu la guerre du Vietnam et une victoire communiste semble possible. Il faut donc endiguer le « péril rouge » et pour ce faire, rien de mieux que de suivre l’adage « diviser pour mieux régner ». En effet, les classes dirigeantes avaient parfaitement conscience qu’en divisant le prolétariat selon des bases ethniques et religieuses, toute tentative de rapprochement des classes populaires finirait immanquablement par échouer. On le voit encore aujourd’hui avec les fractures insurmontables existant entre la gauche historique marxiste et la nouvelle gauche intersectionnelle indigéniste. La fameuse convergence des luttes reste un vœu pieux, une chimère même. Les deux prolétariats, blanc et racisé, ne peuvent s’entendre, car concevant la nation de manière radicalement différente.
Le général De Gaulle, visionnaire s’il en est, était parfaitement conscient de la difficulté de faire cohabiter des populations avec des mœurs et des modes de vie radicalement différents, lui qui déclarait déjà à l’époque :
“On peut intégrer des individus ; et encore dans une certaine mesure seulement. On n’intègre pas des peuples, avec leur passé, leurs traditions, leurs souvenirs communs de batailles gagnées ou perdues, leurs héros. Vous croyez qu’entre les pieds-noirs et les Arabes, ce sera jamais le cas ? Vous croyez qu’ils ont le sentiment d’une patrie commune, capable de surmonter toutes les divisions de races, de classes, de religions ? Vous croyez qu’ils ont vraiment la volonté de vivre ensemble ?”
Là où De Gaulle vit un danger, le patronat perçu une opportunité. Le recours massif à une immigration non-européenne servait un double but : maintenir les salaires à la baisse (et donc augmenter les profits) tout en divisant durablement le prolétariat français.
Nostalgique des rapports hiérarchiques en vigueur durant l’ancien régime, le pouvoir politico-économique ne concevait l’immigration non-européenne que dans le cadre d’une relation qui rappelle celle d’un seigneur médiéval avec son serf. Culturellement déconnectées du reste de la société et parquées dans des cités HLM, les populations africaines se retrouvèrent coupées des mécanismes d’entraide et de mobilisation (syndicats, mouvement de jeunesse, etc.) permettant aux classes ouvrières de faire valoir leurs droits et de servir de contrepoids politique aux classes dirigeantes. Vivant dans la peur constante de l’expulsion, ce nouveau prolétariat devint malgré lui une armée servile au seul service des grandes entreprises françaises. Nous vivons encore aujourd’hui avec l’héritage des politiques honteuses menées par la droite libérale et le grand patronat.
En effet, une politique migratoire qui n’accorde aucune considération à la notion de compatibilité culturelle, d’intégration, de partage ou d’entraide ne peut que se révéler désastreuse à long-terme. Les descendants d’immigrés africains ayant grandi dans des forêts de béton déshumanisées n’ont jamais pu développer de conscience de classe. Les revendications de ce nouveau prolétariat « racisé » diffèrent grandement de ceux des prolétaires blancs, la fracture culturelle ayant traversé les générations. Pire, par bien des côtés, ils agissent contre les intérêts des classes populaires et font le jeu du patronat.
Mais ça, c’est pour un prochain numéro…