Le naufrage électoral de la gauche intersectionnelle
La gauche s'est sabordée en abandonnant la lutte des classes.
Qu’on se le dise, la gauche française est électoralement en faillite, la droite ayant très clairement gagnée la bataille des idées. En 2022, Marine Le Pen — une candidate possédant le charisme et l’éloquence d’une huitre avariée — pourrait bien à elle seule remporter plus de voix que l’ensemble des candidats de gauche réunis. On pourrait donc naïvement penser que face à ce terrible constat, la gauche française fasse preuve d’un minimum d’introspection et se demande pourquoi les Français rejettent son projet politique et sa vision du monde ? Que nenni ! La gauche française continue de s’enfoncer dans le dogme de l’intersectionnalité, avec pour résultat de jouer les seconds rôles sur la scène politique nationale.
La lutte des classes est remplacée par une politique de l’identité
Enfermée dans un entre-soi malsain, cette nouvelle gauche intersectionnelle est incapable de percevoir et surtout de comprendre les préoccupations des classes populaires blanches. Pire encore, motivés par un anti-occidentalisme primaire qui ne dit pas son nom, ces apôtres de la déconstruction perpétuelle en sont venus à représenter l’une des plus grandes menaces pesant sur la laïcité française.
Issus pour beaucoup des classes aisées, les membres de la gauche intersectionnelle influent en faveur d'une économie mondialisée, de l'immigration et du libre-échange. Contrairement à ce qu’ils affirment, les membres de cette gauche ne tirent pas leur privilège de leur peau au teint clair, mais bien de leur patrimoine, véritable vecteur de hiérarchisation dans la république de l’égalité. Vivant dans les centres-ville gentrifiés des grandes métropoles, cette gauche intersectionnelle prône un vivre-ensemble qu’elle ne pratique pas.
Au niveau politique et médiatique, cette gauche urbaine — elle-même héritière de la gauche "caviar" des années 1990 ne cesse d’orienter le débat public sur les questions d’identité, et ce, afin de camoufler ses propres origines bourgeoises ainsi que le rôle qu’elle a joué dans l’exclusion des classes populaires des centres métropolitains. Mettre en avant le soi-disant « privilège blanc » permet ainsi d’occulter le véritable privilège dont ont bénéficié et continuent de bénéficier les membres de la gauche intersectionnelle : le privilège de classe.
Cette classe de privilégiés comble son vide existentiel en épousant des causes qui ne sont pas à même de mettre à mal ses privilèges. Les minorités « racisées » servent ainsi de paravent à la bourgeoisie urbaine progressiste, lui permettant d’instrumentaliser la souffrance des quartiers populaires sans jamais donner la parole à ses habitants ou d’apporter des solutions à leurs problèmes.
Une certaine gauche bourgeoise et endogame
Chassez le naturel et il revient au galop. Alors qu’elles prétendent lutter contre les injustices, les classes supérieures progressistes ne peuvent s’empêcher de perpétuer un entre-soi de classe. C’est ainsi que les figures « racisées » mises en avant par le mouvement antiraciste viennent pour la plupart de milieux privilégiés. Que ce soit Camellia Jordana, issue de la très huppée La Londe-les-Maures, ou Omar Sy qui dénonce les violences policières du haut de sa maison perchée sur les collines de Hollywood, la bourgeoisie « racisée » dénonce un racisme institutionnalisé dont elle n’a jamais été victime. Ils sont rejoints dans leur délire victimaire par la bourgeoisie blanche « progressiste » qui, tels des aristocrates du XVIIIᵉ siècle, perpétuent un mépris de classe abject, crachant à l’envie sur tous ces prolétaires blancs arriérés, racistes, sexistes et transphobes.
L’octroi du statut d’opprimé selon des critères d'ethnie, de genre et de religion permet à la bourgeoisie « progressiste » de renverser le rapport entre dominants et dominés. Les enfants de Lilian Thuram et Moez Altrad peuvent ainsi se draper dans les habits de l’opprimé, une oppression imposée par tous les blancs, peu importe que ces derniers soient issus de Neuilly-sur-Seine ou d’une petite ville de France ou 25% de la population est au chômage.
Un repoussoir pour les prolétaires blancs
Cette incontinence émotionnelle doublée d’une mauvaise foi intellectuelle finit immanquablement par donner la nausée à une grande partie de la population et décrédibilise le discours de gauche au moment même où le système capitaliste connait la plus grave crise de son histoire moderne. Comment s’étonner que les classes populaires blanches basculent vers la droite nationaliste après avoir vu des individus ayant grandi dans l’opulence venir leur expliquer que leur avenir de « blanc » doit se réduire à une perpétuelle repentance pour des crimes coloniaux qu’ils n’ont jamais commis ?
Pire encore, le discours victimaire de l’indigénisme est cyniquement récupéré par les grandes multinationales qui ont vite flairé le nouveau filon du « woke washing ». La machine marketing se met en place : une chaire diversité par-ci, un post célébrant la diversité par là et hop, le tour est joué. C’est ainsi que le Washington Post, propriété de Jeff Bezos a récemment recruté Rokhaya Diallo. Si cette dernière dénonce les injustices subies par les minorités visibles de France, elle reste curieusement bien silencieuse sur les pratiques antisyndicales d’Amazon.
Il va sans dire que l’évolution postmoderniste prise par la gauche française s’est révélée désastreuse d’un point de vue électoral. Le dogmatisme de la gauche intersectionnelle est en effet du pain béni pour la droite qui peut ainsi tirer à boulets rouges sur tous ces « islamo-gauchistes » — cette cinquième colonne ayant pour but de détruire la République de l’intérieur. En effet, le cirque indigéniste fait les affaires des Vincent Bolloré, Bernard Arnault et autre François Pinault, ces grands seigneurs qui se délectent à l’avance d’une élection présidentielle qui — du fait de l’auto-sabordage de la gauche — verra les Français avoir le choix entre le néolibéralisme internationaliste incarné par Emmanuel Macron et le national-libéralisme de Marine Le Pen.
Les classes populaires sont patriotes
La gauche paye ainsi le prix de son incapacité à reconnaître que les classes populaires blanches sont par nature patriotes et profondément attachées à la pérennité de l’identité nationale française. Hier, elles endossaient l’uniforme pour défendre la république face au militarisme allemand, aujourd’hui elles sont les travailleurs essentiels permettant au pays de surmonter la crise sanitaire.
Et c’est bien là le problème. Si cette nouvelle gauche chérit de multiples identités, aucune ne fait référence à la communauté nationale. Il existe donc un décalage criant entre le discours « dénationalisé » et internationaliste de cette gauche intersectionnelle et des classes populaires qui restent au contraire ancrées dans une dimension nationale. Le prolétariat français rejette non seulement le néolibéralisme, mais aussi le modèle de société multiculturel défendu par la gauche intersectionnelle. Problème : il n’existe aujourd’hui aucune offre politique mariant ces deux dimensions, nationale et sociale — et obligées de choisir, les classes populaires donnent systématiquement la priorité au premier par rapport au second, ce dont bénéficie directement le Rassemblement National.
La gauche française se berce d’illusions, elle qui semble croire que la montée en puissance d’un prolétariat « racisé » compensera la fuite des classes ouvrières blanches vers le RN. Originaire des banlieues populaires de la métropole lyonnaise, j’ai pu constater que sans aucune conscience de classe et englué dans un communautarisme religieux malsain, le prolétariat « racisé » vit culturellement en dehors de la nation française — une situation qui se reflète dans les taux de participation faméliques que connaissent les quartiers populaires métropolitains à chaque élection.
À la fin des années 1990, la gauche française a fait le choix de suivre la fameuse « troisième voie » initiée par Tony Blair : se « droitiser » au niveau économique tout en promouvant un modèle de société multiculturelle. Force est de constater que cette orientation s’est révélée désastreuse aussi bien pour le pays que pour la gauche elle-même.
Si la gauche veut redevenir crédible aux yeux des Français, elle devra prendre le chemin inverse, à savoir, premièrement, adopter un véritable programme économique de gauche incluant des mesures telles que le revenu universel à 1000 € par mois ou la nationalisation des industries stratégiques. Deuxièmement, elle devra se réapproprier les concepts de nation, de patriotisme, de sécurité et de devoir. Évoquer la notion de « comptabilité culturelle » des immigrants avec la nation française ne doit pas rester une exclusivité de la droite nationaliste.