Le président marketing fait son show
Contrairement à ce qu'il affirme, Emmanuel Macron n'a jamais fait l'expérience de la désindustrialisation
Le magazine Zadig a récemment publié une longue interview d’Emmanuel Macron dans laquelle il entend montrer sa compassion et son amour pour une France victime de la désindustrialisation et de la métropolisation, phénomènes, dit-il, à l’origine de la crise des gilets jaunes. Le président veut faire entendre aux Français qu’il n’est pas seulement, un représentant de l’élite et de l’intelligentsia parisienne, mais que lui aussi du fait de ces racines amiénoises, connaît la dure réalité de la ruralité. Il se dit avoir été marqué par les dégâts engendrés par la désindustrialisation. Amiens, relate-t-il, est "passé du statut de capitale de région à celui de capitale de département" écartelée "entre Paris et Lille". "D’un seul coup, la ville s’est figée", raconte-t-il, ajoutant avoir connu des "cousins" qui ne trouvaient plus d’emplois.
Sauf qu’à l’image de ce qu’est la présidence jupitérienne, tout n’est que mirage, un subterfuge marketing mis en place pour faire oublier la réalité macronienne, celle d’une jeunesse dorée ayant reçu une éducation n’ayant rien à envier à celle des aristocrates de l’Ancien Régime.
Emmanuel Macron a passé son enfance dans le quartier bourgeois d’Henriville faisant partie de l’agglomération d'Amiens. Il est le fils de Jean-Michel Macron, neurologue au CHU de la ville, et de Françoise Noguès, elle aussi médecin. "Nous étions des parents dans la moyenne qui s'occupaient de leurs enfants. Une vie banale", résume son père dans le livre d'Anne Fulda "Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait". Sauf que ce que son père oublie de mentionner, c’est qu’en tant que couple de médecin, les revenus de la famille Macron se situent bien au-deçà de la moyenne nationale (1800 € net par mois); une enfance banalement bourgeoise en somme.
Comme l’indique l’Insee : « la forte dispersion des revenus fiscaux des ménages au sein de la ville d'Amiens se traduit par des disparités marquées de revenus entre les quartiers et une relative homogénéité au sein des quartiers. En effet, les caractéristiques de l'habitat modèlent la structuration socio-spatiale de la ville. » En d’autres termes, il existe une vraie ségrégation spatiale entre les différentes classes sociales habitant l’agglomération amiénoise et la famille Macron se situe du bon côté de la barrière.
La scolarité d’Emmanuel Macron : d’un microcosme à un autre
Emmanuel Macron commence sa scolarité au lycée La Providence dit “La Pro”, un établissement privé catholique fondé par les jésuites et situé dans un quartier plutôt cossu d’Amiens. C’est à la « Pro » qu’Emmanuel Macron rencontre sa future femme Brigitte Auzière, sa professeure de français. Le futur président est alors en première et va avoir 16 ans. Elle a 40 ans et trois enfants. Elle est issue d'une famille bourgeoise qui a fait sa fortune dans les macarons et chocolats.
La relation est tellement controversée que son père décide de l’envoyer au lycée Henri IV à Paris où il poursuivra ses études. Comme nous le savons tous, tous les bons élèves de France ont la possibilité d’être « exilé » dans un des meilleurs établissements du pays, véritable usine à reproduction de la noblesse d’État. Car “Sainte-Geneviève” comme on l’appelle communément n’est pas un établissement comme au autre, bien au contraire. « Henri IV, c’est le sommet d’un système scolaire tourné vers la sélection des élites, et dont le fonctionnement est intimement lié à une hiérarchie rigide des grandes écoles », observe le sociologue belge Hugues Draelants, qui a étudié l’institution. Il ajoute que « c’est une voie d’initiés, notoire dans un petit milieu de personnes bien informées, mais inconnue chez ceux qui ne sont pas dès le début dans les bons couloirs pour intégrer ce type de prépas. »
Emmanuel Macron est donc passé d’un lycée huppé d’Amiens à un établissement qui symbolise à lui tout seul la reproduction des élites françaises.
La voie royale : Sciences Po Paris et l’ENA
Par la suite, et comme tout futur président qui se respecte, il intégrera Sciences Po Paris puis l’ENA. Malgré la volonté affichée d’ouverture, les deux écoles restent des temples de l’inceste social manquant cruellement de diversité.
Comble d’ironie, le jury de l’ENA se plaint régulièrement "d’une certaine unicité de vues entre les candidats", et même une "frilosité" qui empêcherait les aspirants énarques de "proposer une réflexion, une vision personnelle du sujet". Les correcteurs relèvent l'uniformité des candidats, qui préparent quasiment tous les concours dans les mêmes établissements, utilisent les mêmes références… et régurgitent donc les mêmes connaissances lors des épreuves. En clair : des clones ânonnant une pensée unique.
Ainsi, avant d'accéder à la fonction suprême, un président français est passé par un processus de formatage de la pensée (certains diront lavage de cerveau) visant à instiller en lui une certaine vision du monde – une vision libérale et favorable au projet européen. Dans les arcanes du pouvoir, défendre une ligne pro-business et pro-européenne, c’est s’installer “dans le bon camp”. À contrario, défendre l’identité nationale, s’opposer au libre-échange et vanter certains mérites du passé (comme des frontières), c’est immanquablement faire figure d’arriéré s’opposant à la marche du progrès.
Un premier boulot comme un autre
Alors que les Français lambda s’initient au monde de l’entreprise via l’enseignement professionnel ou les petits boulots qu’ils occupent pendant leurs études universitaires, la première exprérience professionnelle d’Emmanuel Macron s’est faite au sein de la très prestigieuse inspection des finances. En septembre 2008, sur les conseils d'Alain Minc, qui estime qu'il est préférable d'être fortuné pour faire de la politique, il devient banquier d'affaires chez Rothschild & Cie.
Alors que la plupart des jeunes Français éprouvent de nombreux obstacles pour trouver un premier emploi, notamment du fait d’une formation inadaptée au marché du travail et d’un manque d’expérience professionnelle, Emmanuel Macron réussi à se faire embaucher par la très prestigieuse banque Rothschild alors qu’il n’a jamais fait d’école de commerce et ne connait rien à la finance privée. "Quand il arrive, il ne connaît rien à la finance. Il est pris pour son carnet d'adresses qui intéresse beaucoup, mais il n'a pas encore la technicité financière nécessaire", explique à franceinfo Martine Orange, qui a publié en 2012 Rothschild, une banque au pouvoir.
Il y connaitra une ascension fulgurante – devenant associé-gérant à 32 ans alors que d'autres banquiers plus capés attendent des années avant d'être admis dans ce tout petit cercle. Selon cette même Martine Orange, sa propulsion reste encore aujourd’hui un "un mystère"que personne ne semble capable d’expliquer. À la fin de sa brève carrière bancaire, il se voit confier la négociation du rachat par Nestlé de la branche de laits infantiles de Pfizer. Le géant Suisse débourse près de 9 milliards d'euros, et Emmanuel Macron devient millionnaire.
Après l’expérience rothschildienne, Emmanuel Macron devient secrétaire général adjoint de l'Élysée sous la présidence de François Hollande avant de démissionner pour mener à bien des projets "personnels" tel que monter une start-up qui ne verra jamais le jour et enseigner à la très prestigieuse London School of Economics.
Puis en 2014, il est nommé ministre des Finances et on connait la suite.
La trajectoire d’un noble républicain
Donc récapitulons : la trajectoire d’Emmanuel Macron commence au sein de la bourgeoisie amiénoise avant de transiter par le lycée Henri IV situé dans le 5e arrondissement de Paris. Après quoi, il passe par Science Po Paris, l’ENA, puis la haute fonction publique, pour ensuite rejoindre la banque Rothschild avant de rentrer au gouvernement.
Ce qui marque chez Emmanuel Macron, c’est la facilité avec laquelle il navigue d’un milieu d’élite à l’autre. Sa trajectoire est caractéristique des facilités accordées à la noblesse d’État. On peut y être banquier un jour et maitre de conférence un autre. On peut se mettre en congé de la fonction publique avant de la réintégrer comme si de rien n’était.
Ce qui manque à Emmanuel Macron, c’est ce qu’on pourrait dénommer « le capital de réalité », c’est-à-dire le niveau d’ancrage d’un individu dans la réalité que vit la majorité des Français – la capacité à se mettre à la place d’un citoyen lambda. Or comme nous l’avons vu, ce capital de réalité d’Emmanuel Macron est proche du néant, sa perception des difficultés rencontrées par les classes populaires et les classes moyennes n’étant que superficielle.
Emmanuel Macron n’a jamais eu de petits boulots étudiants. Il n’a jamais effectué de mission d’intérim. Il n’a jamais côtoyé de prolétaires. On peut donc se poser la question : quel peut être le capital de réalité d’un individu dont la principale expérience professionnelle se résume à un poste de banquier d’affaires, spécialiste des fusions-acquisitions ?
Cette déconnexion s’illustre dans le parlé et les maniérismes du président – on se souvient de son fameux échange avec un jeune horticulteur au chômage où Emmanuel Macron se muait en conseiller pôle emploi, affirmant avec aplomb que pour trouver un emploi, il suffisait de « traverser la rue pour en trouver un ».
La réalité est qu’Emmanuel Macron n’a pu connaitre la désindustrialisation, car sa vie n’a été qu’un passage d’un microcosme bourgeois à un autre. Sa conception de la désindustrialisation n’est que théorique. Il est certes conscient qu’Amiens a été profondément affecté par la disparition des grandes industries historiques, mais n’a jamais ressenti dans sa chair la peur du chômage. Il ne peut comprendre le sentiment de relégation sociale et l’humiliation qu’induit la marginalisation économique, lui qui pu étudier pendant plusieurs années à Paris sans être boursier, l’une des villes les plus chères du monde.
Macron est prisonnier de la caverne
Sa vision de la paupérisation des zones rurales est caractéristique de celle d’un Énarque déconnecté des réalités. La désindustrialisation est un problème, une équation à résoudre.
C’est Platon qui dans sa fameuse allégorie de la caverne, énonçait que nous sommes comme des prisonniers enchainés dans une caverne, et qui ne voient du vrai monde que les ombres projetées par la lumière du dehors sur le mur de la paroi du fond. Emmanuel Macron est prisonnier d’un horizon se limitant à son microcosme bourgeois, il ne perçoit du vrai monde que ce que la littérature académique met à sa disposition. Son analyse de la France délaissée ressemble ainsi étrangement à celle faite par Pierre Vermeren dans son livre "La France qui déclasse" paru en 2019 peu après la crise des Gilets Jaunes.
Pas besoin d’être un génie pour comprendre que sa supposée compassion pour la France délaissée n’est pas sincère. Car si Macron se lamente de la désindustrialisation, il se réclame d’un courant politique, le libéralisme, qui a été le grand fossoyeur de l’industrie française. En effet, l’arrivée au pouvoir des libéraux à la fin des années 1960 coïncide avec le début de la désindustrialisation en France. N’oublions qu’en 2011, Emmanuel Macron était partisan d’un « choc de compétitivité » pour relancer l’économie française, une méthode qui fut vertement critiquée par plusieurs économistes bien plus chevronnés que lui. Rappelons également qu’en sa qualité de ministre des Finances, Emmanuel Macron valida le rachat d’Alstom par General Electric, une opération désastreuse pour la souveraineté nationale qui se solda par des milliers de suppressions d’emploi en France. Car Macron est surtout connu comme le liquidateur des industries françaises. Sa politique au ministre des Finances fut si désastreuse que le très "bolchévique" Figaro publia une tribune en 2017 pour dénoncer son bilan.
Macron est un homme et un président remplis de contradictions, qu’on pourrait même qualifier de schizophrène.
Il dit vouloir réindustrialiser la France, mais valide la vente de champions industriels nationaux à des intérêts étrangers.
Grand défenseur de l’Europe dans ses discours engagés, il s’oppose à une taxe européenne sur les transactions financières improductives.
Il dénonce le séparatisme islamique, mais se refuse à réformer une politique migratoire archaïque qui en est la source.
Avec Macron, nous sommes entrés dans l’ère de la présidence marketing où la forme prévaut systématiquement sur le fond. En réalité, Emmanuel Macron n’est pas un destin français comme a pu l’être Charles De Gaulle, mais bien le produit d’un système dominé par une noblesse d’État déconnecté des réalités – un système en déshérence qui dans sa volonté de survivre à tout prix est prêt à entrainer toute une nation et son peuple dans sa chute.