Trafic de drogue contre paix sociale : la mort à petits feux de l'État de droit
Aucun gouvernement ne veut faire face à une insurrection dans les « territoires perdus » de la république.
Il y a 20 ans, quinconce voulant se procurer des stupéfiants se devait de connaître « quelqu’un », c’est-à-dire un dealer ou un ami de dealer. L’alternative était de tenter sa chance dans un des rares points de vente très surveillés par la police et où la qualité de la marchandise vendue laissait souvent à désirer. Les plus anciens se rappelleront avec dégoût des fois où ils n’ont eu d’autre choix que de fumer du « pneu ».
Avance rapide en 2021 et les choses ont bien changé :
Car si les drogues ont toujours été de jure illégale en France, elles sont aujourd’hui de facto en quasi vente libre. Dans les faits, même un Orang-outan unijambiste et lépreux serait en mesure de se procurer du cannabis s’il le souhaitait réellement — et pour ce faire, notre ami primate n’aurait que l’embarras du choix tant les options à sa disposition sont pléthoriques :
Une offre pléthorique
Option 1 : Se déplacer vers un des nombreux points de vente répartis sur tout le territoire national. Il y a 20 ans, ces “supermarchés” de la drogue étaient peu nombreux et très surveillés. Aujourd’hui, ils ont pignon sur rue et sont gérés comme de petites PME avec ses employés et ses cadres. Chaque ville de France en possède un ou plusieurs. On y est accueilli de manière plus ou moins bonne avec souvent, un menu disponible pour faire son choix : Hachich du Maroc, Beuh d’Espagne, de la forte, de la «mellow», bref, il y en a pour tous les goûts.
Option 2 : Se faire livrer directement chez soi. À cet effet, l’application Snapchat reste très prisée des consommateurs, son mode « fantôme » offrant la possibilité de contacter directement les dealers tout en restant anonyme. Il est aujourd’hui parfaitement possible de se faire livrer 200 € de cocaïne à quelques pas de la place Beauvau.
Option 3 : La vente en ligne. Il y a par exemple Cannazon, l’eBay du cannabis accessible via le Darknet. Le choix y est très vaste, mais son utilisation requiert un peu plus de savoir-faire technique que Snapchat. Pour passer commande, on contacte le vendeur via une clé de cryptage après quoi le paiement s’effectue en Bitcoin. Bref le deal 2.0.
Option 4 : Cultiver soi-même des plants de cannabis, une pratique de plus en plus répandue, notamment dans la France rurale. Pour un consommateur régulier, faire pousser son propre cannabis peut être une bonne façon d'économiser de l'argent et de contrôler ce qu’il fume. Rien de très difficile, les bases sont assez simples et une fois que vous les connaissez, vous pouvez facilement produire un stock illimité.
Prises ensemble, toutes ces options font que n’importe qui, n’importe où, peut facilement se procurer des stupéfiants que ce soit du cannabis ou d’autres substances. Il suffit d’aller faire un tour dans n’importe quel parc municipal pour constater qu’il y a bien longtemps que les fumeurs de cannabis n’éprouvent plus le besoin de se cacher. De la même manière, la cocaïne est une invitée récurrente des soirées urbaines. Les jeunes bourgeois – de gauche comme de droite – se font livrer à domicile par des chauffeurs VTC arrondissant ainsi leurs fins de mois.
Bref, tout ça pour dire que la guerre contre la drogue est perdue depuis belle lurette.
Le trafic de drogue comme vecteur de paix sociale
En réalité, les pouvoirs publics sont parfaitement conscients que la prohibition n’entraîne pas de baisse de la consommation et n’a pas d’effet sur la circulation des produits. L’intransigeance d’Emmanuel Macron sur la question de la légalisation du cannabis s’explique avant tout par des raisons électoralistes – ce dernier voulant courtiser l’électorat conservateur – mais aussi par des motivations moins avouables. En effet, le ministère de l’Intérieur a beau clamé sa volonté de combattre tous les trafics, dans les faits, le vente de stupéfiants permet aux pouvoirs publics, notamment les autorités locales, de maintenir une paix sociale dans les cités ; paix qui est de plus en plus fragile.
Dans les faits, la vente de cannabis reste illégale non pas à cause de sa supposée dangerosité pour la santé, mais bien parce que la légalisation pourrait avoir comme fâcheuse conséquence de mettre le feu aux banlieues populaires. En effet, le trafic de stupéfiants représente la pierre angulaire de l’économie souterraine des banlieues.
Le trafic de drogue génère 3 milliards d’Euros pour le crime organisé, dont la moitié provient de la vente de cannabis, ce qui équivaut environ à l’ensemble des salaires versés aux agents en tenue de la police nationale. Plus qu’une simple sortie de route du circuit du marché libre officiel, le trafic de drogue est le centre nerveux de l’économie souterraine, avec ses grossistes, ses revendeurs, ses livreurs.
L’institution d’un marché illicite des stupéfiants a pour socle une véritable contre-société sortie des radars de l’État de droit, générant ainsi ses propres codes et vivant en marge du reste de la société. Dans certains quartiers populaires, c’est toute une culture de l’illicite qui s’est constituée progressivement depuis les années 1980. Depuis les années 1990, ces filières se sont professionnalisées et sont passées de la vente artisanale à de véritables multinationales opérant à travers les frontières.
Il faut dire que le modèle économique des cités HLM n’a jamais été viable, ces dernières n’étant en réalité que des subventions déguisées aux multinationales françaises. En effet, la raison d’être du prolétariat dit « racisé » a toujours été celle de représenter une main d’œuvre corvéable, docile et dépolitisée au service des grands industriels. Dépourvus d’une quelconque conscience de classe, les membres de ce sous-prolétariat (selon la terminologie Marxiste) sont incapables de mener une lutte politique organisée et de remettre en cause l’ordre social existant. Les rares fois où les banlieues se mobilisent, c’est pour défendre l’Islam, ce qui est révélateur de l’écart culturel qui sépare le prolétariat racisé du reste de la population qui dans sa grande majorité reste peu religieux.
Le cynisme de la droite combiné à la naïveté de la gauche ont fait naitre des ghettos peuplés de tout ce qui fait les damnés de la terre et culturellement déconnectées du reste de la société française. Malgré de multiples rénovations et programmes d’inclusion sociale, ces territoires – non pas perdus, mais bel et bien « abandonnées » sciemment par la République – restent des zones de non-droit. Les pouvoirs publics sont bien conscients que ces ghettos sont des poudrières pouvant s’embraser à tout instant et aucun gouvernement n’a envie de rentrer dans l’histoire comme celui qui fut obligé de déployer l’armée dans les banlieues. Vu le nombre d’armes à feu en circulation dans ces quartiers, un déploiement des militaires finirait immanquablement par engendrer des affrontements faisant des centaines, voire des milliers de morts. L’image de la France à l’étranger – image très chère à la noblesse républicaine – en sortirait profondément écornée.
C’est avec ce cadre en tête qu’il faut bien comprendre que si le trafic de drogues est ainsi toléré par les pouvoirs publics, c’est qu’il est générateur d’ordre, un ordre qui ne menace pas les intérêts de l’oligarchie nationale dont les représentants habitent très loin des « territoires abandonnés » de la République. Dans les faits, cette « narco-paix » permet aux pouvoirs publics de se désengager politiquement des banlieues populaires et de se focaliser sur des enjeux plus lucratifs au niveau électoral.
Problème : des quartiers où la police nationale ne rentre plus sont de fait des zones en état de sécession. Qui plus est, arrivera forcément le jour fatidique où les revenus issus du trafic de drogue ne seront peut-être plus à même d’acheter la paix civile dans les quartiers. Ce jour-là, que se passe-t-il ? Nul n’est en mesure de le prédire.
En attendant, le bal des hypocrites continuera de plus belle.